En réalité, plus que le voyage géographique, la Bible est véritablement le livre du déplacement. Nous sommes embarqués par, et à travers, les histoires des personnages bibliques, sur notre propre route, dans notre propre histoire avec Dieu.
Quand l’Éternel appelle Abram en lui disant lekh-lekha — littéralement « va-vers-toi », « va-en-toi » ou « va pour toi » — une vérité essentielle nous est révélée : pour répondre à l’appel divin, nous devons entreprendre un voyage au fond de nous-mêmes.
Au moment de cet appel, Abraham et Sarah sont encore Abram et Saraï. Leurs noms sont en quelque sorte encore inaccomplis, et ce n’est que plus tard qu’ils adopteront la lettre Hé. En attendant, c’est comme s’il leur manquait quelque chose pour devenir pleinement eux-mêmes, pour vivre leur plein potentiel. Cette lettre Hé, c’est un son ouvert, le son du souffle, le son de l’expression liturgique hébraïque Halleluyah, et la seule lettre du nom de Dieu (le tétragramme) qui est répétée deux fois. En adoptant plus tard cette lettre, cela représente comme une expansion de leur être, une prise de conscience de la présence divine qui les dépasse mais qui est pourtant aussi — ou désormais — intrinsèquement en eux.
Dieu lui dit, et nous dit : va-t’en, va d’ici à là-bas, mais va aussi vers toi-même, en toi-même, pour toi-même. Va découvrir qui tu es réellement, pars à la découverte de tout ton potentiel.
Et, comme d’un même souffle, juste après ce « va-t’en », est exprimée une série de choses qu’Abram va devoir quitter : sa terre, les siens, la maison de son père… tant d’éléments qui sont une sorte de condition pour que ce voyage soit possible. Oui, pour devenir, il faudra d’abord quitter. Abram devra voyager, sortir de…, aller vers…, pour accomplir son plein potentiel, qui n’est pas conditionné par son passé ou ses origines.
On ne choisit pas ses origines, on ne choisit pas sa famille, ni sa culture ou son héritage. On naît dedans. Cette rupture avec son origine ne signifie pas qu’il faut la nier ou se montrer ingrat envers son héritage, mais simplement reconnaître que notre identité d’enfant de Dieu se trouve dans une dynamique de cheminement et d’accomplissement personnels. Le voyage spirituel exige parfois une rupture salutaire. Répondre à cet appel, vivre son potentiel, c’est déjà la rupture que demande le Dieu qui nous appelle ses enfants.
Être enfant de Dieu, c’est être appelé à vivre son plein potentiel — chacun de nous étant une expression unique de vie — et le mystère de la Pentecôte, c’est l’Esprit qui nous unit dans la diversité. Nous créons ainsi une communauté où chacun peut toujours exprimer son potentiel unique, son potentiel d’enfant de Dieu.
Il n’y a pas de règles, pas d’âge, pas de genre assigné pour ce voyage avec Dieu. Un nouveau départ est toujours possible, pour tous… et ça, en soi, c’est déjà une bonne nouvelle.
Bonne route à tous !
Bien fraternellement,
Phoebe